PERSONNALITÉS 

 

Paul Féval - Dom Fulgence né Alexandre Guillaume - Aymar de Tonquédec.

Paul Féval

 

Paul FÉVAL.

                                  Paul  [1]Féval est né en 1816, à Rennes, où il passe les premières années de sa vie. La région va jouer un rôle dans son imaginaire, puisque l’auteur va par la suite régulièrement s’inspirer de la culture et du folklore bretons dans de nombreuses œuvres.

                                 Il est chassé, en 1830, du lycée de Rennes et viendra chez son parent, le comte de Foucher de Careil à la Forêt Neuve. Il passe une licence de droit, s’apprête à embrasser la carrière d’avocat, mais après un échec dans ce domaine (qui n’est pas sans rappeler le destin d’une figure postérieure du récit de cape et d’épée, le britannique Stanley Weyman), il quitte la région pour Paris, dans l’espoir de réussir dans les lettres.

               Après des débuts littéraires difficiles (« Un duel sous l’eau », sa première nouvelle, paraît en 1837), il connaît le succès avec Le Club des phoques, roman se déroulant à Saint-Malo (paru dans La Revue de Paris), et surtout, à partir de 1843, avec la réécriture des Mystères de Londres de Reynolds. Dans ses propres Mystères de Londres, Paul Féval ne suit que très lointainement le modèle britannique. En réalité, il publie, sous le nom de Francis Trolopp, sa propre fresque des bas-fonds londoniens.  

Mystères de Londres

               On y devine l’influence des Mystères de Paris d’Eugène Sue qui est paru en feuilleton à partir de 1842. Il y a dans les deux œuvres une même volonté de peindre les différentes couches de la société, une même représentation d’un espace urbain opposant la surface d’un monde connu des lecteurs et la réalité de ce même espace, exotique et inquiétante, comme dans Le Juif Errant (plus que dans Les Mystères de Paris) la société apparaît dirigée par des puissances occultes, toutes puissantes parce qu’elles sont cachées. Chez Paul Féval, il s’agit de la Grande Famille de Londres, société du crime à laquelle appartient le personnage principal, le marquis Rio-Santo. Rio-Santo lui-même, en dandy fashionable qui masque son identité véritable, n’est pas sans évoquer le Prince Rodolphe, héros des Mystères de Paris de Sue, même si, plus ambigu que ce dernier, il préfigure également Edmond Dantes (Le Comte de Monte Cristo de Dumas ne paraît que deux ans plus tard). Autour de la vengeance de l’irlandais Fergus (sous les traits de Rio Santo), c’est un portrait à charge de l’Angleterre qui est proposé. Reste que, si l’on retrouve l’influence de Sue, Féval paraît privilégier l’aventure au détriment du discours social (ce discours qui deviendra bientôt chez Sue un véritable discours socialiste).

              Féval  reprendra à plusieurs reprises le motif de l’opposition entre l’Angleterre et l’Irlande, par exemple dans La Quittance de minuit. Ce roman de la vengeance est également un roman du crime et de la machination, thèmes privilégiés de Paul Féval qui feront de lui, à plus d'un titre, l'un des précurseurs du roman policier. Il exploitera le filon du roman criminel durant toute sa première carrière littéraire (celle précédant sa conversion), aussi bien dans ses romans de mystères urbains (voir Les Habits Noirs), que dans les romans de mœurs souvent fondés sur des machinations (Jean Diable,1862, La Tache rouge, 1870, Le Dernier vivant, 1872) ou dans les romans historiques (Le Bossu est un roman de la vengeance et Le Mari embaumé, 1866, un roman de meurtre et de fausse mort se déroulant au XVIIe siècle). Il se moquera de cette veine florissante du roman-feuilleton dans un bref récit parodique, La Fabrique de Crime, 1866.

Un roman comme Le Fils du Diable (1846), œuvre qui s’inscrit nettement dans la tradition du romantisme noir, va encore accroître son succès.

              Comme Dumas et Sue, Féval est désormais riche. Comme eux, il s’affiche dans le monde. Son succès va s’accroître régulièrement mais condamner l’auteur à rester un feuilletoniste, un écrivain méprisé de l’élite. Dès la fin des années 1840, le feuilleton est attaqué par les gens de plume (à commencer par Sainte-Beuve) et les hommes politiques. S’il n’est pas leur cible privilégiée (on attaque plus volontiers Balzac, Dumas et Sue), Féval se voit, plus encore que ces trois auteurs mieux reconnus, cantonné dans la littérature de divertissement. Il varie certes les sujets, mais le fond et la forme de l’intrigue restent feuilletonesques, avec de très nombreux rebondissements, un rythme de l’action et de la narration très enlevé et une écriture qui ne renie pas les effets de pathos et la tonalité épique.

              Œuvre majeure de Paul Féval, Les Habits noirs sera aussi l’un de ses derniers grands romans-feuilletons traditionnels de l’auteur. En faisant le choix d’une rigoureuse conversion à la suite de revers de fortune, Féval mettra un terme à ce cycle pour lui préférer des œuvres d’un tout autre type. C’est en 1875 que ce produit cette conversion, bouleversement profond dans l’existence de cet homme, qui se traduira par un changement radical de sa production littéraire. Jusqu’alors, Féval était conservateur et fervent pratiquant. Désormais, il se veut l’un des serviteurs actifs de l’église, combattant avec zèle pour son rayonnement. Dès lors, une bonne part des écrits de Féval visent à défendre l’église et à faire le portrait de ses plus grands serviteurs, les Jésuites. Il apparaît ainsi comme une apologie de la congrégation si souvent attaquée dans le roman populaire (à commencer par Eugène Sue dans Le Juif Errant et Les Mystères du Peuple). Quant aux Merveilles du Mont Saint Michel, il reprend dans une perspective religieuse et édifiante le style et les thèmes des récits bretons de l’auteur. Plus généralement, une grande partie de la production littéraire de l’auteur est consacrée à la publication des tracts religieux destinés au public des paroisses. Il réécrira également ses œuvres antérieures pour les accorder avec les dogmes de l’église. L’œuvre de l’auteur n’a alors plus grand-chose à voir avec l’esthétique du roman d'aventures. [2]

Il reviendra plusieurs fois à Sourdéac et il s’inspira de ces séjours pour écrire plusieurs livres :

Diane et Cyprienne dont l’action se passe autour de Glénac.

La Dame Blanche des Marais se passe aussi dans le secteur car il parle des marais de l’Oust, tout prés où l’Oust et une autre rivière (l’Aff sans doute) croise leurs courants et, d’un autre côté, on aperçoit les arbres de la Forêt-Neuve et de l’autre la rampe aride de Saint- Vincent.

Chouans et Bleus. Voici ce qu’il écrit :

              A une lieue nord-ouest de la Gacilly, au centre des plus épais taillis de la Forêt-Neuve, il existe une vaste clairière traversée par un ravin profond. Les rives de ce ravin, hautes et coupées à pic, entourées d’une chevelure de broussailles, l’œil  ne peut percer à travers  recouvrant un précipice de plus de trente pieds. C’est le Saut du Bouc.

               A l’appui de ce nom fantastique, on raconte dans le pays d’interminables légendes.

Non loin de cet endroit qui forme à peu près le centre de la clairière, s’élève une large pierre quadrangulaire couchée sur quatre supports trapus ; les gens au pays l’appellent la Table des Païens, sans doute par suite traditionnelle de son ancien usage. Cette table est en effet un monument des celtes, probablement un autel, servant jadis aux cérémonies druidiques. Tous ces récits montrent qu’il connaissait bien le secteur.

              On peut supposer que ce lieu serait ce qu’on appelle  maintenant « la Fosse aux Loups ou la gorge aux loups » sur la route de la Gacilly à la Forêt-Neuve après les Communs, au pied de la côte avant le carrefour.

 

Dom Fulgence né Alexandre GUILLAUME.

                                 Beaucoup de personnes ne savent, peut-être pas, qu'un habitant de Glénac et ancien vicaire de Lorient a failli devenir :

Ø Cardinal,  et que, s'il n'a pas revêtu la pourpre, c'est que, à l'exemple de plusieurs saints personnages, il s'est dérobé aux honneurs par la fuite.

Ø Que la rumeur voulait le faire passer pour Louis XVII.

 

Il naquit à Glénac en 1785,  fils des défunts Joseph Guillaume et Julienne Morin, passa chez ses parents les dix-huit premières années de sa vie. Une lettre écrite, en 1869, par le recteur de Glénac,[3] nous apprend qu'on ne l'avait pas oublié dans cette paroisse où réside toujours sa nombreuse famille.

Comme il avait le désir d'être prêtre, il fît ses humanités en quatre ou cinq ans et son cours de théologie au grand séminaire de Vannes. Ordonné prêtre le 23 décembre 1811, il partait, dès le lendemain, pour Lorient, avec ses lettres de vicaire. Il se rappela longtemps de ce voyage qu'il fit par un froid terrible et la ville de Lorient qu'il trouva ensevelie sous un manteau de neige.

Après deux ans de ministère paroissial, il était appelé au séminaire de Vannes, comme professeur de théologie. L'état religieux l'avait toujours attiré. Il voulut pourtant réfléchir encore, avant de donner suite à son projet et nous le retrouvons au collège royal de Nantes où il remplit les fonctions de censeur, avant d'y devenir professeur de philosophie.

En 1822  il avait pour élève le jeune de Lamoricière et c'est là que commença à se former cette amitié qui fut la consolation de leur vie et qui ne finit que par la mort. Tous les deux quittèrent le collège de Nantes en même temps.

              C’est de Nantes qu’il vint à Bellefontaine en 1823. Il fut prieur du monastère sous dom Marie-Michel et, à la mort de celui-ci, il fut élu abbé. Dom Fulgence inaugura son gouvernement au milieu des troubles politiques. Lors du mouvement insurrectionnel de 1832, on soupçonne Bellefontaine d’avoir participé au soulèvement de la Vendée. Une circonstance particulière, jointe aux préventions qu’on avait déjà contre l’abbé dont les opinions légitimes étaient bien connues, amena son arrestation.

              Dom Fulgence avait quelque chose de bourbonien dans la figure, une sourde rumeur l’ajoutait à la liste pas mal longue déjà des faux Louis XVII. Il fut amené à la prison de Cholet pour être de là transféré à celle d’Angers puis à la Flèche d’où, après un mois de détention, il fut rendu à la liberté.

              De retour à Bellefontaine, dom Fulgence gouverna tranquillement son monastère jusqu’au jour où il fut désigné pour remplir l’importante fonction de procureur général des trappistes (voir histoire plus loin), à Rome en 1844. Il fit preuve, dans cette nouvelle charge, d’une grande sagesse et d’une grande habilité dans les affaires que Grégoire XVI voulut le nommer cardinal et lui confier un poste qui demandait une prudence consommée. Le Révérendisime  Père en fut informé et, dès le jour suivant de grand matin, il quittait la Ville Éternelle.Ce départ retarda les projets du Saint-Père, qui, d'ailleurs, mourut peu de jours après. Rentré au monastère de Bellefontaine, en 1851, il dut reprendre la charge d'Abbé, qu'il conserva près de 15 ans. Frappé de paralysie, il se démit de ses fonctions. D'ailleurs, il avait été éprouvé de toutes les façons, d'abord par la perte de plusieurs religieux distingués dont le concours lui était fort utile et, aussi, par la mort de Lamoricière qu'il avait tant aimé et depuis si longtemps.

           C'est en 1869, quand il avait 84 ans, qu'une dernière attaque mit fin à ses jours. Quand on le descendit dans la fosse, son corps demeuré flexible, se replia en deux, à la grande émotion de tous les assistants qui avaient une si haute opinion des éminentes vertus de l'Abbé défunt.

Mgr Angebault, son évêque et son plus vieil ami qu'il avait autrefois connu à Nantes, était venu présider à la sépulture ainsi que plusieurs abbés des monastères voisins.

              Voilà le chemin que parcourut le Très Révérend Père Fulgence, ancien vicaire de Lorient. Une telle vie mériterait de plus longs développements ; je n'en ai marqué que les diverses étapes, estimant que les faits parlent d’eux-mêmes et avec plus d'éloquence que les paroles.

                                                                                                               L'abbé Em, perrin,[4]

  Les Trappistes.

 

                                  Le Souverain Pontife nomma Dom Antoine, abbé de Melleraye, visiteur des Trappistes de France, après la mort du frère Augustin. Il voulut qu'il entreprit sans délai une visite générale et qu'il envoyât le procès-verbal à Rome le plus tôt possible. Dom Antoine se transporta dans toutes les maisons auxquelles il fit sentir la nécessité de se réunir et d'embrasser un genre de vie uniforme ; mais ceux qui suivaient la réforme de l'abbé de Rancé, lui  témoignèrent qu'ils n'ajouteraient rien à leurs austérités; ils citaient l'excuse de leur réformateur, ce qui était sans réplique. Ceux qui suivaient le règlement de la Val-Sainte voulaient persister également de crainte de tomber dans le relâchement. Du reste  ils étaient tous disposés à se soumettre à la décision du Saint-Siège qu'ils attendaient avec une sainte impatience. Dom Antoine fit son rapport et, six ans se passèrent, sans que Rome voulut se prononcer.

 

              Les religieux de Bellefontaine se lassèrent d'attendre. Leur abbé actuel Dom Fulgence (1), successeur immédiat de Dom Marie-Michel, se décida à faire le voyage de Rome ; il alla voir le père Antoine, abbé de Melleraye et lui demanda l'autorisation d'exécuter son projet. Il obtint ce qu'il souhaitait et fut même chargé de recommandations pressantes tant du père Antoine lui-même que de divers autres prélats. Mgr /'évêque d'Angers fut le prélat qui montra le plus d'empressement à seconder les démarches de Dom Fulgence et à lui donner des lettres de recommandations.

              L'abbé de Bellefontaine lui fit sa visite et fut reçu avec joie par le prélat, dont les paroles respiraient la plus tendre affection pour la Trappe. L'évêque témoigna à l'abbé son vif désir de voir terminer heureusement une affaire entamée depuis longtemps et toujours suspendue par la sage lenteur du Saint-Siège.

              L'abbé de Bellefontaine alla voir aussi Dom François d'Assise, supérieur de la Trappe du Port-du-Salut près Laval, pour lui demander son avis sur la question de savoir s'il convenait de supprimer la planche, d'accorder aux religieux une autre boisson que de l'eau, etc., etc. L'abbé de Laval s'exprima franchement  à la prière de Dom Fulgence ; il mit son avis par écrit. Celui-ci se rendit ensuite à Paris pour communiquer l'affaire à Mgr de Quélen qui lui répondit qu'il entreprenait une chose fort difficile et ajouta qu'il doutait beaucoup qu'il pût réussir. Rome, continua le prélat, a reçu trop d'avis défavorables à vos grandes austérités pour qu'elle se prononce dans votre sens. Dom Fulgence lui répondit qu'il ne demandait pas du Pape qu'il approuvât les austérités de Dom Augustin de l'Estrange qu'on pratiquait dans quelques maisons; qu'il désirait seulement une décision, et que lui et ses religieux obéiraient à tout ce qu'il plût au souverain pontife d'ordonner, sachant bien que c'était la seule voie sûre pour plaire à Dieu. Mgr de Quélen fût charmé de ce discours et des dispositions de Dom Fulgence.

              L'abbé de Bellefontaine crut qu'il devait voir aussi l'abbé de la Grande-Trappe, Dom Joseph-Marie, dont les religieux suivaient comme ceux de Bellefontaine la réforme de Dom Augustin de l'Estrange. Son avis était qu'il valait mieux attendre tout du temps et que, puisque le Souverain Pontife ne désapprouvait point cette réforme, il conviendrait de continuer les austérités sans presser la décision. Il se rendit toutefois aux raisons de Dom Fulgence. Avant son départ, celui-ci avait eu soin d'ordonner à sa communauté de ne point cesser, pendant tout le temps qu'il traiterait cette affaire à Rome, d'implorer l'assistance du Ciel afin qu'elle se terminât à la plus grande gloire de Dieu. C'est ce que fit aussi l'abbé Joseph-Marie tant il s'intéressait souverainement à l'heureuse issue de l'affaire.

              Dom Fulgence se mit en route pour Rome, muni des recommandations qu'il avait obtenues pour différents prélats de la cour pontificale ; il fut bien reçu partout; chacun lui promit aide et protection, non seulement pour son monastère, mais encore pour tous les Trappistes en général. La congrégation des réguliers s'occupa sérieusement de l'affaire ; le Pape nomma trois cardinaux qui, pendant trois mois, y travaillèrent sans relâche avec Dom Fulgence.

Celui-ci eut la consolation d'entendre dire partout qu'on serait heureux de l'aider et qu'on le servirait en ami, que la pénitence des Trappistes était l'édification de l'Église, qu'on désirait beaucoup la maintenir et encourager ces religieux par des marques éclatantes de bienveillance et de protection ; qu'il ne fallait pas cependant qu'ils se condamnassent à des pénitences extrêmes, qu'il faut, en toutes choses, même au service de Dieu, de la modération et des bornes qu'il est dangereux de franchir.

              Dom Fulgence qui observait à Rome la règle aussi exactement que dans son cloître et qui avait toujours un air gai et une conversation fort intéressante, prouvait par son exemple que les austérités de la Trappe ne sont pas un joug insupportable, qu'il est au contraire doux et léger; il contribua aussi par sa conduite plus encore que par ses démarches à la décision favorable des cardinaux rédigée en forme de décret, laquelle fut soumise à Sa Sainteté et approuvée par elle.

Avant de rien conclure, le Souverain Pontife voulut que l'abbé de la Grande-Trappe vint à Rome afin que tout se fît de son agrément et que rien ne manquât à cette décision si importante de tout ce qui pouvait la rendre ferme et stable et en même temps chère aux Trappistes. L'abbé de la Trappe ayant été consulté, il trouva le décret fort sage et avantageux aux Trappistes et tel qu'ils pouvaient le souhaiter. Alors seulement le pape Grégoire XVI, actuellement régnant, y mit le sceau de son approbation à la grande satisfaction de tous ceux qui s'intéressaient à la Trappe.

Ce fut le premier octobre 1834 que le Pape porta ce décret. Le souverain pontife rappelle la règle de Saint-Benoit et les institutions de l'abbé de Rancé comme les seules que les Trappistes doivent observer désormais, laissant aux monastères la liberté de s'en tenir à ce qu'ils ont pratiqué jusqu'ici pour les jeûnes et le travail, c'est-à-dire que ceux qui observent les jeûnes de l'abbé de Rancé continueront de les garder, comme ceux qui pratiquent les jeûnes de Saint-Benoit ont aussi la faculté de les suivre. Les abbés de la Grande-Trappe et de Bellefontaine, contents et heureux de leurs succès, quittèrent Rome pour rentrer dans leurs monastères où ils mirent de suite à exécution le décret de Grégoire XVI. Ils reçurent à Paris et partout où ils rencontrèrent des amis des Trappistes, des félicitations sur l'heureuse issue d'une affaire qu'ils croyaient ne pas devoir se terminer de sitôt. Leurs religieux se montrèrent de dignes enfants de Saint-Benoît par l'obéissance prompte et docile qu'ils témoignèrent lorsqu'on leur lut  le décret. L'obéissance avant tout et par-dessus tout, Rome a parlé, c'est fini, plus d'incertitude sur ce que nous avons à faire, se dirent-ils. Il est évident maintenant que nous ne devons plus craindre de coucher sur la paillasse, de prendre un repas, un peu de cidre ou de la bière. Ils se rappelèrent ces paroles remarquables de l'Écriture Sainte : «  Melior est obedientia quam sacrificium » : l'obéissance est préférable aux macérations corporelles et il leur fut doux de se soumettre. Ils firent ainsi deux actes d'un grand mérite aux yeux de Dieu, celui de désirer seulement ce qu'il ne leur était plus permis de pratiquer et celui de s'en abstenir par obéissance. Le Ciel bénit ces dispositions par un surcroît de grâces qu'il leur accorda et par une surabondance de faveurs spirituelles.

Ils ont appris par leur propre expérience qu'on obtient tout par l'obéissance. En effet leurs monastères sont des modèles de régularité ; la ferveur et la pénitence y règnent si bien, elles sont si solidement établies parmi ces heureux cénobites qu'ils n'ont pas à regretter les austérités qu'ils ont laissées depuis la publication du décret de Grégoire XVI, ce silence éternel qu'ils observent, ces racines dont ils se nourrissent, ces grands jeûnes qui sont les mêmes que ceux des premiers anachorètes, cette obéissance sans borne qui leur est si chère, cette humilité qu'ils pratiquent sans cesse, tout cela édifie assez l'Église et est assez capable de les sanctifier sans recourir à d'autres mortifications. [5]

 Faux Louis XVII.

             En mars 1869, les journaux reproduisirent à l'envi la nouvelle suivante[6] :

                                 « Il y a bien des années, un homme arriva, par une nuit sombre, à Bellefontaine, couvent des Frères Trappistes situé à deux lieues de Cholet. Il était accompagné d'une personne qui remit au supérieur une cassette avec la recommandation expresse de ne l'ouvrir qu'à la mort de son compagnon qui désirait terminer ses jours dans cet asile de paix. A cette époque seulement, on devait connaître son nom et les détails de son existence. Or, ce religieux, dont la physionomie offrait les traits frappants de la physionomie des Bourbons, vient de mourir il y a deux jours, et il se trouve ici bon nombre de gens qui affirment que les papiers trouvés dans la cassette ont établi d'une façon authentique que le religieux qui vient de succomber est bien Louis XVII.

« Ce que je puis vous affirmer, c'est que le corps a été embaumé, que les obsèques n'auront lieu qu'à la fin de la semaine et que plusieurs évêques et une foule de personnes se sont déjà rendus à Bellefontaine pour voir le Trappiste qui est exposé à tous les yeux et auquel on attribue une si illustre origine.

              En vain, l'acte de décès du P. Fulgence[7] protestait-il contre cette prétendue origine, en vain, le nouvel Abbé crut-il devoir désavouer, dans une lettre publiée dans le journal de Cholet, les circonstances romanesques dont on avait embelli la vie et la mort de son prédécesseur; le pli était pris et nombre de personnes dans le pays et au loin s'entêtèrent à considérer le P. Fulgence comme le fils de Louis XVI, encore que sa mort fût un démenti positif aux prophéties qui annonçaient son triomphe définitif et qui avaient, il faut. bien le dire, contribué à alimenter la crédulité populaire autant et plus peut être que la physionomie bourbonnienne [8]ou les autres particularités matérielles invoquées par les divers Prétendants.

              En réalité, le P. Fulgence s'appelait tout simplement Guillaume de son nom de famille. Il était prêtre. Il avait professé la philosophie avec distinction. Entré à la Trappe, sa piété et son mérite l'avaient porté à la dignité d'Abbé. Des hommes considérables du parti légitimiste qui l'avaient connu dans le monde, avaient gardé avec lui d'étroites relations et lui faisaient de fréquentes visites qui ne contribuèrent pas peu à appeler l'attention sur sa personne. Il faut l'avouer d'ailleurs, le Père Fulgence croyait fermement à l'existence de Louis XVII et, parmi les prétendants à ce titre, il penchait hélas pour Richemont. De là, dans son langage, des réticences et des précautions mystérieuses qui excitaient la curiosité de ses interlocuteurs. La mort de Richement et de ses compétiteurs, en donnant un démenti aux prophéties dont se nourrissait la confiance du P. Fulgence, l'attrista profondément. Il garda sa foi dans l’existence de Louis XVII, mais sans oser la propager, également embarrassé pour accueillir ou pour repousser les confidences des fidèles répondant par un sourire triste et muet à leurs questions, même à celles qui le concernaient personnellement et ajoutant ainsi, sans le vouloir, à l'intérêt mystérieux dont il était l'objet et qui se manifesta surtout après sa mort.

Tels sont les renseignements que nous avons puisés dans le pays même, aux sources les plus respectables et dont nous pouvons affirmer l'authenticité.

 

 

AYMAR DE TONQUÉDEC.

 

                                 Aymar de Quengo de Tonquédec, né le 31 mars 1867 à Sourdéac, était le fils de  Ferdinand de Quengo de Tonquédec et d’Eugénie de Gouyon-Coypel. Il épousa, le 28 août 1900 à Vannes, Claire Brochard de la Rochebrochard. [9]

              Une affluence considérable se pressait à la cathédrale de Vannes, mardi matin, pour assister au mariage de M. de Tonquédec Aymar, lieutenant d'infanterie de marine, chevalier de la Légion d'honneur, avec Mlle Claire de la Rochebrochard d'Auzay. La bénédiction nuptiale leur a été donnée par le R.P de Carheil, eudiste, dont la touchante allocution a été fort remarquée. Les témoins étaient :

Ø  pour M. de Tonquédec, MM. Urbain de Tonquédec et Hugues de Chantérac, ses oncle et cousin ;

Ø  pour Melle de la Rochebrochard, le comte Georges de la  Rochebrochard et le comte  de Terves, ses oncles

Le Morbihannais est heureux d'associer ses félicitations à celles qui ont été exprimées et ses vœux à tous ceux qui ont été formulés unanimement en faveur des jeunes mariés.

 

M. Aymar de Tonquédec fut propriétaire des mines de fer de Sourdéac.

 

Aymar de Tonquédec décédera  à Sousse en Tunisie.

  

Château du haut  Sourdéac

Ancien château à Eugénie de Gouyon de Coipel épouse de Ferdinand de Quengo de Tonquédec

 

Lieutenant de Tonquédec[10]

                                 A l'époque où Marchand traversait tout le centre de l'Afrique, le ministère des Colonies, afin d’assurer les communications entre cette mission et plus spécialement pour établir notre protectorat sur le Bah- er-Gazal, envoya dans cette région un fort détachement sous les ordres du capitaine Roulet et du lieutenant de Tonquédec

Établi d’abord au fort Desaix, le lieutenant reçut la mission de partir avec soixante hommes pour aller créer des postes échelonnés dans la direction du Haut-Nil.

              Cet officier, on le voit, n’était pas l’arrière-garde de Marchand ; avant -garde du colonne Roulet, il assurait la liaison entre ce dernier et le poste de Fachoda. Après le départ du commandant Marchand qui, par ordre, dut abandonner Fachoda et la convention intervenue entre la France et l’Angleterre, le lieutenant de Tonquédec reçut, à son tour, l’ordre d’abandonner son poste et revint par le Nil.

              Comme témoignage d’admiration, les compagnons du vaillant officier breton ont décidé de lui offrir en souvenir un sabre d’ordonnance, au moyen d’une souscription que vient d’ouvrir le journal la Démocratie de l’ouest, sur l’initiative d’un ancien marin de commerce, le commandant Servan. Nous nous associons de grand cœur à la pensée de ce brave officier

Ajoutons que les souscriptions ne peuvent dépasser la somme de 1Fr.

Le lieutenant de Tonquédec est de nos compatriotes, sa famille a longtemps habité le château de Sourdéac près de la Gacilly.

Le lieutenant d’infanterie de marine de Tonquédec fut nommé chevalier de la légion d’honneur. [11]

QUENGO de TONQUEDEC

d'or au lion de sable armé, lampassé et couronné de gueules

 

Madoutt et  Fatouma. [12]

                          Ce sont deux jeunes Noirs du Bahr-er-Gazal qui ont suivi en France le lieutenant de Tonquédec, un des braves compagnons du colonel Marchand.

              Sauvé par lui de l'esclavage, Madoutt lui avait dit, au moment du retour, dans un français primitif que nous traduisons : «  Je suis à vous; partout où vous irez, j'irai. »

              Mais il y avait Fatouma, une jeune négresse que Madoutt avait  épousée là-bas. Ni l'un ni l'autre n'était chrétien. Le lieutenant permit à Fatouma d'accompagner Madoutt et ils vinrent dans le Morbihan, à Glénac où habite la famille de notre vaillant compatriote, C'étaient deux âmes neuves que n'avait point faussées une civilisation sans Dieu. Le bon exemple, la reconnaissance qui parle aux bons cœurs et leur droiture naturelle devaient les amener à la lumière.

              Mme et MIle de Tonquédec, la mère et la sœur de l’officier, se firent, avec un zèle de tous les instants, les catéchistes des deux Africains. Ce qu'il leur fallut de patience pour faire entrer la vérité dans ces esprits incultes, doués heureusement d'une. vive intelligence,  on le devine sans peine. Mais leur bonne volonté répondit au zèle de leurs protectrices et, au bout de quelques mois, ils étaient au courant des vérités essentielles de la religion.

Ils  avaient parfaitement saisi et ils aimaient ces choses si nouvelles pour eux. Aux questions qui leur étaient posées ils répondaient non à !a manière des enfants qui récitent la lettre du catéchisme sans toujours bien comprendre, mais avec des explications. très nettes et très claires, que Madoutt complétait par des gestes très expressifs.

              Le 1er août 1900 fut, pour eux, un grand jour .Ce jour-là, dans l'église paroissiale de Glénac où se pressaient un grand' nombre de prêtres et de fidèles, M. le curé  de Bains, une paroisse voisine, du diocèse de Rennes, leur administra solennellement le baptême où ils reçurent les  noms de Paul et de  Marie. Ils eurent pour parrain le vaillant officier à qui ils doivent leur salut et pour marraine Mlle Claire  de la Rochebrochard qui sera, dans quelques jours, Mme de Tonquédec.

           Le bon recteur de la paroisse de Glénac procéda ensuite à leur mariage chrétien, et ils reçurent pour la première fois le sacrement de l'Eucharistie.

              Celte triple cérémonie laissera un profond souvenir parmi les paroissiens de Glénac. Que Dieu bénisse les protecteurs et les protégés !

 


[1] roman-daventures.info

 [2] .roman-daventures.info/

 [3] La Semaine religieuse du diocèse de Vannes – Mai 1902.

[4] La Semaine religieuse du diocèse de Vannes –1902 Mai

[5] Dom Fulgence professait la philosophie dans un séminaire de Bretagne, lorsqu'il résolut de partir pour la Trappe. Son goût décidé pour une vie pénitente et austère ne lui permit pas de rester dans le monde, où il aurait pu occuper un poste distingué ; car Dom Fulgence est rempli de savoir et de moyens. Convaincu que Dieu l'appelait à la solitude, il n'hésita pas un instant, et renonça à tout pour marcher à la suite des saints pénitents du désert. Il alla à la Grande-Trappe, où sa conduite exemplaire fut constamment l'édification de cette communauté qu'il dirigea quelque- temps en qualité de prieur.

Envoyé à Bellefontaine, et devenu aussi prieur dans cette maison, il fut élu à l'unanimité pour remplacer l'abbé Dom Marie-Michel, décédé peu après sa promotion à la dignité d'abbé.

[6] Journal d’Alençon 11 mars 1869 ; Figaro 12 mars etc.

[7] Acte de décès de Guillaume (Alexandre. 28 février 1869.L'an mil huit cent soixante-neuf, le premier mars, a été dressé l'acte de décès du nommé Guillaume (Alexandre Joseph), prêtre, domicilié à l'abbaye de Bellefontaine, commune de Bégrolles, canton de Beaupréau, arrondissement de Cholet (Maine-et-Loire), décédé au dit Bellefontaine le vingt-huit février mil huit cent soixante neuf, à dix heures du soir, âgé de quatre-vingt-trois ans, né (le 9 novembre mil sept cent quatre-vingt cinq) à Glenac (Morbihan), fils des défunts Joseph Guillaume et-Julienne Morin. » Extrait des registres de la Mairie de Bégrolles

[8] Le visage du P. Fulgence offrait un type bourbonnien très marqué, qui aida beaucoup au succès du portrait photographié que l'on répandit après sa mort, et qui n'était peut-être qu'une spéculation. « La fantaisie qui a fait du P. Fulgence Louis XVII  n'était basée que sur le nez charmant tout bourbonnien du Saint Trappiste (V. de Stenay, p160. » Le même auteur ne se gêne pas pour en faire un intermédiaire entre le Pape et Naundorff, en 1848.

 [9] Le morbihannais 31 Août 1900

[10] Courrier Morbihannais 22 Avril1900  

[11] Le Nouvelliste du Morbihan 18 mars  1900

[12] La Semaine religieuse du diocèse de Vannes –25 Août 1900 Août -