LES    PALIS

 

 

Palis à l'intérieur d'une maison à Launay

 

Les éléments [1]constitutifs du paysage sont tributaires des caractères physiques, mais aussi de l'activité humaine très anciennement installée dans cette région, puisque les marais étaient une source de richesse et connaissaient une forte occupation depuis le haut Moyen-âge.

Aujourd'hui, les terres agricoles se répartissent en prairies et en labours. Les prairies dominent dans les zones basses et souvent humides du bocage. Les labours sont recoupés dans des zones de champs ouverts sur les pentes des collines en alternance avec des zones bocagères. Les clôtures de palis subsistent soit dans les intervalles des haies, soit en clôtures sèches des prés.

Les limites parcellaires sont très nombreuses et trouvent leur origine dans l'extrême division de la propriété, selon le mode ancien qui accordait à chaque héritier une part égale de chaque qualité de terre. C'est ainsi que, dans beaucoup d'endroits, les parcelles ont encore des largeurs de trois à dix mètres.

 Cette division excessive, jointe au peu de profondeur du sol et à la nécessité d'atteindre tous les champs, a sans doute découragé de construire des talus ou de planter des lignes d'arbres pour séparer les propriétés. Le palis si mince et si solide abondant dans ce pays de carrières a donc été providentiel pour les propriétaires.

Le mode archaïque de division de la propriété a disparu et les jeunes agriculteurs, propriétaires ou fermiers, font en sorte de regrouper leurs terres. Beaucoup d'Entr’eux louent la majorité de leurs parcelles ce qui facilite les regroupements par accords amiables. Les clôtures sont donc devenues inutiles et gênantes au milieu des parcelles culturales, ce qui explique l'actuelle rareté des grands ensembles ou « champs de palis ». Néanmoins, sur les communes retenues pour l'enquête, de beaux ensembles de palis restent intacts, ainsi que des clôtures isolées, et méritent l'attention à cause de leur double intérêt visuel et utilitaire.

Sur le plan visuel, les clôtures font l'originalité du paysage. Dans les « champs de palis », c'est la grande densité qui fait l'impact visuel. Mais la présence d'une clôture isolée au milieu d'un champ ou au détour d'un chemin ajoute un élément de pittoresque et d'originalité. Enfin, les palis qui entourent les jardins s'associent à l'architecture pour donner leur caractère aux longères que sont les hameaux.

Il faut noter encore que les palis s'inscrivent dans un paysage qui est différent dans les deux secteurs. Dans celui de Renac, les trois éléments qui constituent le paysage sont plus distincts. Le paysage est rythmé par l'alternance des collines couvertes de résineux, des pentes bocagères et des fonds humides.

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Essai de typologie des clôtures

En vieux français, le terme de palis signifie “pieux” et par extension clôture ou palissade.

Dans le redonnais, l'usage des pierres de schiste était courant pour la couverture des puits et des fours. Nous entendrons le terme dans le sens strict de pierre plantée dans le sol, ce qui suppose un usage pour les clôtures, mais aussi pour des maisons ou des bâtiments d'exploitation. Un exemple extérieur à la région redonnaise nous confirme d'ailleurs dans ce choix : c'est celui des “Menez Groas” ou pierres debout de la région de Tréguen dans le Finistère. Le terme s'y applique pour les bâtiments et les clôtures.

Deux critères permettent de distinguer les types de palis : celui de la forme et celui de l'usage.

 

A) Premier critère : Forme des palis et des assemblages

1) La forme :

la forme irrégulière ; les palis sont de toutes les tailles, entre 0m60 et 1m50 et servent surtout à clôturer les champs. C’est dans les haies que l'on trouve les pierres les plus irrégulières.

la forme régulière : c’est un cas particulier. On trouve autour du village de la Saudraie en La Gacilly des palis de forme carrée (1m*1m), type qui s’étend sur la commune de Carentoir

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II faut d'abord distinguer les clôtures où les palis sont plantés entre des arbres ; ce sont les clôtures clans les haies, et les clôtures faites uniquement de palis et de planches, ce sont les clôtures sèches. Les deux assemblages les plus anciens sont probablement l'assemblage à joint vif qui est utilisé pour les bâtiments et l'assemblage en tresses de châtaignier. Pour ce dernier, les branches de châtaigniers sont coupées longitudinalement pour que le côté plat s'applique sur la pierre. Mais, très souvent, ce travail préalable n'est, pas fait et la tresse moins solidaire de la clôture se dégrade très vite.

Le mode d'assemblage le plus récent remplace les tresses par du barbelé. Entre les deux types, ancien et récent, on peut placer l'assemblage en limandes qui date probablement de la fin du siècle dernier, moment de l'expansion des scieries, qui fournissaient des planches en quantité.

B) Second critère : Usage des clôtures de palis

1) Les clôtures rustiques

Ce sont les clôtures des champs qui servent à séparer les propriétés. Elles sont le témoin de l'extrême division des terres au XIXe siècle. Les regroupements actuels en grandes parcelles les menacent. Les palis rustiques associés à une haie sont moins menacés par les regroupements particuliers, mais autant par le remembrement et par la végétation.

 

2) Les clôtures domestiques

Elles sont beaucoup plus diversifiées que les précédentes. Utilisées pour les parcs à porcs, les jardins et les bâtiments, elles forment un réseau serré autour du hameau et sont souvent mieux entretenues.

 

C) L'association des deux critères

Les clôtures domestiques sont le plus souvent à limandes ou à joints vifs, et entretenues régulièrement. C'est aussi dans ces jardins que l'on trouve les pierres les plus lisses et souvent hautes de 1,50 m - 2 m et plus. Les plus grandes sont utilisées pour les bâtiments. Récemment, le ciment a remplacé le mortier pour l'entretien des joints.

Les autres modes d'assemblage et les pierres les plus irrégulières sont réservés aux clôtures rustiques. Dans tous les cas, les palis sont fichés dans le sol, plus profondément s'ils sont grands et si l'épaisseur de terre le permet. En moyenne, ils sont enfoncés jusqu'à 30 cm.

 Ce sont les clôtures à limandes qui sont les plus robustes, puisqu'elles s'appuient sur des poteaux espacés régulièrement dans la longueur de la clôture. Avec un simple entretien qui consiste à remplacer les planches, les reclouer ou relever une clôture couchée par un animal, ce dernier type a une durée d'une cinquantaine d'années. Les moins durables sont sans doute celles qui sont à joints vifs ou plantés dans les haies.

 

v  L'entretien de la clôture se fait à l'aide de barbelés.

v  Ce système présente l'inconvénient de se distendre rapidement et enlève à la clôture un de ses éléments originaux : la Limande.

v  Il présente l'avantage d'être pratique et peu coûteux, pour une réhabilitation des clôtures de palis.

v  Méthode répandue sur l'ensemble des communes

 

 

- Assemblage en tresse -

Système d'assemblage le plus ancien. Les tresses sont en branches de châtaignier.

Ce type de clôture se rencontre aussi dans les champs en grande quantité, autour du village de l'Aunay-Hingant à Renac.

Les tresses sont parfois fendues longitudinalement, pour mieux s'appliquer sur les pierres dont les dimensions sont moyennes. Les palis sont peu réguliers, d'où l'hétérogénéité et la fragilité de la clôture.

 

Ø  Les palis sont disposés dans les intervalles d'une haie.

Ø  Implantation probablement ancienne.

Ø  La végétation bouscule les palis disposés à joint vif.

Ø  Entretien difficile, mais qui n'est pas dû à la présence des palis. Ces palis de 1m x 1m sont très nombreux autour du village de "la Saudraie" en La Gacilly.

 

 

Type de clôture moderne : assemblage à limandes.

Les limandes sont en planches de châtaignier, alors que certaines sont en branches de 15 cm fendues longitudinalement

On peut rapprocher ce type d’assemblage de l'extension les scieries, à la fin du XIXe siècle.

 

 

ü  Refuge à porcs attenant à la soue.

ü  Le chien donne l'échelle de cet enclos.

ü  Le système d'assemblage en limandes très larges est hétéroclite, du fait des dégradations causées par les porcs.

ü  Ces enclos sont très nombreux dans tous les villages anciens de la région et participent à leur originalité.

 

 

Les palis des cloisons intérieures et des murs, sont de dimension imposante, jusqu'à 2,50 m et d'une grande régularité.

Les joints sont: soit à vif, soit au mortier ou au ciment.

Parfaite homogénéité du bâtiment qui est pourtant composé de trois éléments différents : murs de schiste, bois, palis.

Type de bâtiment très répandu

 

Conclusion

Les facteurs naturels et humains de la disparition des clôtures de palis supposent une évolution des interventions humaines sur le paysage. L'évolution en cours pose des problèmes pour le maintien des clôtures, mais quelques solutions sont envisageables.

C'est d'abord la végétation qui bouscule les pierres, fait éclater tresses et limandes, elles-mêmes pourries par les intempéries ; dégradation naturelle qui est achevée par l'absence d'entretien.

S'ajoute à cela l'évolution de la structure des exploitations. Les engins modernes de culture dispensent de l'entretien des lisières qui ne peut se faire qu'à la main et n'est d'aucun rapport pour les cultivateurs. L'agrandissement des parcelles oblige à abattre un grand nombre de clôtures qui ne servaient qu'à délimiter la propriété et réduisaient les parcelles à des lanières larges de quelques mètres. Les palis n'ont pas eu pour seule utilité la séparation des propriétés, mais ils servent aussi à délimiter les parcelles culturales et à garder les bêtes. C'est pourquoi l'évolution du monde rural n'est pas un facteur absolu de leur disparition. Même si dans les communes remembrées les travaux connexes en ont détruit un grand nombre, on les retrouve encore dans les jardins et le long des quelques chemins qui ont été épargnés.

Les clôtures de palis disparaissent aussi parce que les pierres sont utilisées à autres choses (tables de jardins, dallage, etc.) qui n'ont rien à voir avec la culture et le paysage du pays de Redon.

L'intérêt des palis n'est pas seulement visuel ; les palis ont une utilité et cette utilité ne se limite pas au touristique ou au culturel pourtant très importants, ils peuvent encore servir de clôtures là où ils subsistent et partout où les clôtures sont nécessaires.

C'est donc par une nouvelle répartition des palis dans la région, en fonction des besoins des habitants, que l'on pourra les maintenir dans un paysage qui sera sans doute modifié, mais dont un élément important et caractéristique n'aura pas disparu.

 


 

[1] Centre Régional d’Etudes Biologiqueset Sociales. Archives= Anne Guillouche Debray Glénac