GEOLOGIE

 

Voir aussi Formation des Marais

LANDES DE LANVAUX

 

LES LANDES DE LANVAUX

Sur près [1]de 90 kilomètres de long, la crête de Lanvaux ferme au NE notre région. C’est une longue barre très rectiligne, de 3 à 4 kilomètres de largeur moyenne, correspondant exactement à la bande de granite qui s’allonge du Blavet à Quistinic à la cluse de l’Oust entre Glénac et Saint Perreux. Au-delà de l’Oust, la crête se fond dans les plateaux de Bains et, au bout de quelques kilomètres, l’amande de granite disparaît au milieu des schistes. À l’autre extrémité, la crête cesse de s’individualiser nettement à partir de Camors. Mais partout entre Camors et la cluse de l’Oust, elle forme une unité morphologique évidente. Elle est limitée par de profondes vallées creusées dans le complexe schistogréseux de Bains non métamorphisé : Oust de Glénac à Saint Gongard, Claie, Tarun, Evel au Nord, Loch supérieur et Arz au Sud. Les Landes de Lanvaux sont donc une crête de roches dures limitée par des sillons évidés dans des roches tendres.

Mais cette crête est aplanie. En cela elle diffère de la Montagne Noire (sauf au Menez Hom), série de roc’ h et de Menez s’enlevant au-dessus des plateaux cornouaillais. Les Landes de Lanvaux sont une lanière de plateaux, que des profils Nord-Sud montrent en continuité avec les plateaux  voisins. Elles ne sont pas du tout, comme la Montagne noire, une arête, une armature de la Bretagne, mais seulement un fragment de ces nombreuses surfaces aplanies qui constituent le paysage fondamental, l’obsédante toile de fond de la péninsule.

Pour aplanie qu’elle soit, la crête de Lanvaux n’est pas horizontale. En partant de l’Est, l’altitude est d’abord comprise entre 6O et 65 mètres vers Bains à l’Est de l’Oust, puis légèrement plus basse (55 mètres) après le grand affluent de la Vilaine. Elle se relève alors un peu pour atteindre 66 mètres à Peillac. Quatre kilomètres plus loin, aux abords de Saint Gravé, elle est d’environ 85 mètres la pente est de 5 pour 1 000 entre ces deux points. À l’Ouest de Saint Gravé, l’altitude oscille autour de 90 mètres pendant une dizaine de kilomètres, jusque vers Molac. Au Cours de Molac, les cent mètres sont atteints. Puis, de Saint Guyomard à Plaudren, la pente s’accentue (3,4 pour 1.000) et, sur 13 kilomètres, on passe de 106 à 150 mètres. On arrive alors à la partie la plus élevée de la crête, qui dépasse 140 mètres sur 25 kilomètres, du Bois de Saint Billy au Bois de Floranges ; le point culminant 175 mètres se trouve à 5 kilomètres. Enfin, du Bois de Floranges au Blavet, on descend de 140 à 100  mètres sur 18 kilomètres.

La crête de Lanvaux est donc une surface d’érosion déformée, soulevée en son centre et en son second tiers occidental et restée plus basse aux deux extrémités. L’âge peut en être précisé, car on y rencontre des dépôts continentaux dont nous décrirons seulement les gisements les plus caractéristiques[2].

L’un d’eux se trouve au carrefour situé à 800 mètres au NNW du clocher de Molac. Sur le haut du versant de la vallée de l’Arz, à une dizaine de mètres en contre bas de la surface du plateau, affleurent de nombreux grès quartzites jaunes ou rouges, de tailles diverses depuis les blocs de 0m50 de côté jusqu‘aux tout petits éléments, noyés dans une argile jaune.

De petits grès de même aspect se voient, très nombreux entre Saint Gravé et Pleucadeuc, de part et d’autre de la route. Ils sont parfois, mais pas toujours, très cristallisés, et portent quelquefois de cupules éoliennes. D’autres éléments analogues ont été reconnus à 4 kilomètres à l’Est de Peillac, le long de la grande route ; ce sont de beaux grès à grain fin, portant parfois de petites caries et patinés en surface.

Nous rattachons avec doute à ces formations de gros blocs, très abondants, entre Ville Hermoin et Gros Balais (Nord du Cours, Forêt de Molac), où le quartz affecte en auréoles concentriques. Le même faciès se rencontre à Painfaut (N E de St Vincent, au bord de la cluse de l’Oust)

Ces grès n’ont pas livré de fossiles, mais, par leur faciès fort différent de celui des autres roches de la région, ils se rattachent avec une grande vraisemblance aux grès à sablais Ce sont donc sans doute des lambeaux d’une couverture éocène qui a revêtu les Landes de Lanvaux. Quelques gisements légèrement en contre bas (Molac, NE de Trédion) s’expliquent aisément en admettant un glissement sur le versant des vallées de l’Arz et de la Claie, encaissées dans la pénéplaine, qui nivelle la crête. Cette pénéplaine est donc un élément de la grande surface éocène que nous avons déjà reconnue en Cornouaille au Sud de la Montagne Noire, il est vrai que tous les gisements que nous avons trouvés dans les Landes de Lanvaux se trouvent à l’Est de Colpo ; nos itinéraires ne nous en ont fait voir aucun dans la partie occidentale. Mais la morphologie montre que c’est bien partout la même surface, à l’Ouest comme à l’Est.

Quant aux éolisations qui guillochent certains grès, elles se rapportent très vraisemblablement au Quaternaire, époque à laquelle des vents violents sous un climat froid ont eu une forte action sur les roches dénuées de couvert végétal. [3] Mais rien ne donne à penser qu’il y ait eu transport des grès, ils ont dû être façonnés sur place.

La surface éocène de Lanvaux, qui a subi de notables déformations, a-t-elle été l’objet de retouches depuis sa formation ? Nous avons trouvé entre Peillac et St Vincent [4] des sables rouges mêlés à des galets de faciès analogue aux sables rouges pliocènes des régions de Redon et de Rennes. Ces sables présumés pliocènes sont situés sur la crête aplanie vers 55 mètres d’altitude. Fortement usés ils ont très vraisemblablement été soumis à l'action de la mer[5]. Celle-ci semble donc avoir recouvert au Pliocène la partie basse orientale de la plateforme éocène déformée. Mais son action érosive a dû y être très faible. Elle a façonné certains grès, car on en retrouve parmi les galets mêlés au sable ; mais elle n'a pas roulé ceux que l'on rencontre 1000 mètres plus à l’Ouest. La surface qui supporte les sables est d’ailleurs en continuité topographique avec l’ensemble de la surface de Lanvaux, qui s’élève plus à l’Ouest jusqu’à des altitudes auxquelles il n’y a absolument aucune preuve de stationnement de la mer pliocène. Un léger remaniement de la surface au Pliocène n’est pas à exclure, mais il aura été si faible qu’il n’en reste pas de traces morphologiques nettes. On peut donc le négliger.

 

La partie orientale

L’apparition du granit à Bains au milieu des schistes fait pressentir la morphologique des Landes de Lanvaux. Au Nord et au Sud de Bains, le ruisseau d’étang de la Bataille [6] et celui de Via ont profité de la moindre résistance du complexe de Bains pour flanquer le plateau de deux dépressions allongées qui s’accusent vers l’Oust. Mais l’individualité de la crête ne s’affirme qu’à l’Ouest de l’étroite et profonde cluse qu’au sud de Glénac, l’Oust a taillée à l’emporte-pièce, tranchée aux versants abrupts, boisés et solitaires qui correspond sans doute à un décrochement[7].Jusqu’ à la hauteur de Saint Congard, la crête de Lanvaux offre une première section assez différente de la partie centrale. C’est un plateau qui nulle part n’atteint cent mètres et dont l’aspect n’a rien de sévère. Entre Saint Vincent et Saint Gravé, le pays est monotone, mais bien cultivé, et l’abondance du châtaignier rappelle que l’on est au pays de Redon. Les boqueteaux et les landes ne commencent à apparaître qu’aux approches de Saint Gravé ; même après ce village, l’on s’étonne de ne pas voir un paysage correspondant à l’appellation de « Landes » de Lanvaux. Le plateau, sans aucun accident, est quadrillé de chemins rectilignes de colonisation récente. De vastes champs réguliers bordent la route qui mène vers Pleucadeuc ; des fermes de belle allure dressent leurs bâtiments neufs. En somme, un plateau encore peu élevé, à l’exploitation assez poussée, malgré un écoulement des eaux parfois difficile à l’Ouest de Saint Gravé où s’accroît la distance d’un versant à l’autre.

Au point de vue morphologique, l’originalité principale de cette partie orientale réside dans sa dissymétrie. Il y a une forte opposition entre le versant Nord de la crête, raide et abrupt, et le versant Sud à la pente beaucoup plus douce. D’autre part, la vallée de l’Oust elle-même est dissymétrique, son flanc Sud étant formé du rebord raide plateau de Lanvaux tandis que son flanc Nord est constitué de croupes descendant lentement des Landes Couesmé. Autrement dit, les deux versants regardant au Sud sont adoucis, et celui qui fait face au Nord est très accusé. Des environs de Glénac on est frappé de cet abrupt talus de la crête de Lanvaux noyé dans les bois et les taillis qui seules peuvent s’accrocher sur ses fortes pentes. Il court, rectiligne, jusqu’en face de Saint Martin sur Oust, puis, après un décrochement correspondant sans doute à une inflexion de l’affleurement du granite, il reprend, aussi net, dans la même direction, jusqu’en face de la cluse de l’Oust à Saint Gongard. Son commandement n’est pas considérable : il ne domine la marécageuse et la large vallée de l’Oust que de 40 mètres à l’Est, 80 mètres à l’Ouest. Mais la rapidité de la pente oblige souvent les routes à la prendre de biais. Seules les routes de Saint Gravé et de Peillac ont pu l’aborder de front en utilisant de petits ravins. S’il est si rectiligne, c’est justement qu’aucun vallon important ne l’entaille. Presque tous les ruisseaux descendent vers le Sud en direction de l’Arz ; l’Oust ne reçoit pour ainsi dire que les eaux de l’abrupt lui-même

 

 1)Relief de Bretagne par Guilcher André

 (2)Le commentaire de la carte géologique du Morbihan par LORIEUX et DE FOURCY (9 p.129) mentionnait déjà des petits grès quartzites sur la Lande Lanvaux au Sud de Pleucadeuc, et d’autres éléments analogues au Nord de Pleucadeuc, à 10-15 mètres au-dessus de la Claie (ces derniers doivent avoir glissé du plateau) ; mais des indications n’ont pas été reproduites par BARROIS sur les feuilles de Vannes et de Redon

3). CAILLEUX, 174

4)Sur la route nationale, fossé  sud, à la Jarry entre 2km800 et 2km700 à l’ouest de St Vincent

[5) Cf, huitième partie, III

)6)Il s’agit de la bataille de Ballon, où Nominoë  battit Charles le Chauve.

 7)A.FAUREMURET, 344